Frida Kahlo: portrait d’une battante

Par Geneviève Riel-Roberge

J’avais à peine réalisé que c’était la veille de la Journée internationale des femmes que j’avais visité l’exposition Frida Kahlo, Diego Rivera et le modernisme mexicain, au Musée national des beaux-arts du Québec. Cette peintre mexicaine, née en 1907 et décédée à l’âge de 47 ans seulement, a marqué les esprits et continue de le faire à titre posthume. Avant-gardiste, militante et engagée, elle a réussi à exorciser d’une façon très intime, dans ses toiles, les malheurs qui ont jalonné son existence. Malgré la violence dont certaines d’entre elles témoignent, on y lit toutefois une volonté à trouver un sens à ces épreuves.

Une existence difficile

Marquée par la maladie dès son jeune âge (elle a souffert de poliomyélite), un grave accident impliquant un autobus et un tramway l’a rendue incapable de mener à terme ses grossesses, en plus de lui infliger d’importantes fractures aux vertèbres et au bassin, dont elle conservera les séquelles toute sa vie et qui exigeront de multiples chirurgies. Qu’à cela ne tienne : sa mère a eu l’idée de génie d’installer un miroir au-dessus de son lit, et c’est ainsi qu’elle se lance à corps perdu dans la peinture, et qu’elle est souvent son propre modèle.  L’exposition qui porte son nom présente les différentes épreuves de sa vie à travers son art, teinté de ses amours houleuses avec le peintre Diego Rivera. Elle dira d’ailleurs à son sujet qu’elle a vécu deux accidents dans sa vie… un accident d’autobus et sa rencontre avec lui…

Crédit: Frida Kahlo, Diego dans mes pensées (Autoportrait en Tehuana), 1943. Huile sur Masonite 76 X 61 cm. La collection Jacques et Natasha Gelman d’art mexicain du 20e siècle et la Vergel Fondation.

Une impressionnante résilience

Malgré la douleur émanant de nombreux tableaux (notamment celui dans lequel elle porte, sur le front, comme un stigmate, l’image de Diego), il est possible d’y percevoir une réelle résilience, une volonté de vivre jusqu’au bout, de laisser sa trace en ce monde en livrant de nombreuses batailles… Et ce, malgré les chirurgies subies, qui l’ont souvent contrainte à garder le lit. Aux toiles plus tragiques succèdent des tableaux colorés, par exemple le célèbre «Autoportrait aux singes», peint en 1943. Amie des animaux, Frida, pour atténuer l’empreinte implacable du malheur, s’entourait d’une véritable ménagerie, constituée de chiens, de perroquets, de cerfs et de petits singes. L’un des textes de l’exposition indique d’ailleurs que la présence de ces derniers a peut-être réussi à compenser, du moins partiellement, sa douleur de ne pouvoir avoir d’enfants. Rappelons que les fausses couches ont malheureusement figuré parmi les nombreux obstacles avec lesquels elle a dû apprendre à vivre…

Cette exposition amènera sans aucun doute toute femme qui la verra à poser un regard bienveillant sur sa propre vie… et à apprécier toutes les belles choses qui en font partie, que ce soit une famille unie, la santé, la possibilité de se déplacer sans contrainte, de pratiquer des sports, de mener une carrière enrichissante, d’avoir un solide réseau d’amis, des enfants pleins de vie et en santé… Les femmes sont souvent les premières à être très exigeantes envers elles-mêmes, jusqu’à en oublier d’être reconnaissantes envers toutes ces choses trop souvent perçues comme des acquis, mais très aléatoirement distribuées…  Frida Kahlo, Diego Rivera et le modernisme mexicain, une exposition colorée, source de profondes réflexions. À voir absolument au Musée national des beaux-arts du Québec jusqu’au 7 septembre.

https://www.mnbaq.org/exposition/frida-kahlo-diego-rivera-et-le-modernisme-mexicain-1276

Crédit: Nickolas Muray, Frida Kahlo sur un banc #5, 1939. Épreuve au charbon, 45,5 X 36 cm. La collection Jacques et Natasha Gelman d’art mexicain du 20e siècle et la Vergel Fondation.
Crédit photo en titre: Frida Kahlo, Autoportrait aux singes, 1943. Huile sur toile, 81,5 X 63 cm. La collection Jacques et Natasha Gelman d’art mexicain du 20e siècle et la Vergel Fondation.

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