Par Marilyn Leblanc
Les athlètes de haut niveau ont-ils un avantage lorsque vient le temps de passer de la carrière sportive à la vie professionnelle ? Bien que peu d’études se soient penchées sur cette question, les témoignages anecdotiques sont courants pour démontrer que le sport contribue à équiper les entrepreneurs et les dirigeants.
Ancien joueur de basketball, et aujourd’hui président de Planica Cabinet de services financiers, Charles Fortier voit de nombreuses similitudes entre le sport de haut niveau et la vie professionnelle. Il croit que « la pratique d’un sport de haut niveau génère des enseignements collatéraux précieux notamment la solidité mentale et l’aptitude à briller en toutes circonstances. »
Phillip Gauthier a excellé dans les rangs universitaires au sein du Rouge et Or de l’Université Laval. Repêché en deuxième ronde par les Alouettes de Montréal, il a évolué pendant trois saisons dans la Ligue canadienne de football. Selon lui, « le sport développe des valeurs présentes dans un contexte d’entreprise : esprit d’équipe, engagement, confiance, détermination et compétition. »
La confiance : la clé de la réussite
Acquise ou innée, les grands athlètes possèdent souvent une confiance en soi extraordinaire, voire inébranlable. Ils abordent les défis avec aplomb, ne craignent pas d’échouer et font confiance à leur instinct.
« Tout est une question de mentalité, explique Phillip Gauthier. Je me souviens qu’avant chaque partie, j’observais l’équipe adverse et je me disais que nos opposants étaient robustes et rapides. Comme demi-défensif, je craignais parfois de ne pas être à la hauteur, mais dès la seconde où j’enfilais mon casque pour fouler le terrain, je devenais invincible. »
Pour Charles Fortier, la peur est handicapante alors que le courage irradie sur tous les aspects de la vie.
« En fin de compte, la peur n’est qu’un mot. D’un côté, il y a ce que tu contrôles, et de l’autre, ce que tu ne contrôles pas. La peur est souvent associée aux choses qui se trouvent dans la deuxième catégorie. Pour l’éliminer, il suffit de canaliser son énergie sur ce que l’on contrôle. » — Phillip Gauthier.
Pour cultiver la confiance, il faut aussi être en mesure de prendre juste assez de recul pour aller de l’avant. « Ça ne paie pas de regarder en arrière, il faut continuer à avancer. New ball; New game. Au football, lorsque tu te fais battre sur un jeu ; il faut te rappeler que chaque partie compte en moyenne 60 remises. En d’autres mots, 60 opportunités, 60 nouvelles parties. En fin de compte, le plus important n’est pas de gagner la bataille, mais de gagner la guerre. » — Phillip Gauthier.
Pour avoir du succès, il faut être capable de reconnaître chaque victoire, peu importe son importance relative. — Phillip Gauthier |
Une partie du succès consiste à croire en sa propre réussite. La confiance permet d’oser prendre des risques. Fake it till you make it ! Bien que clichée, cette expression anglaise cache une part de vérité. Les individus qui réussissent n’ont pas seulement les compétences et les aptitudes nécessaires; ils n’ont pas peur de lancer la balle ou de réaliser le gros jeu.
Passion, détermination, discipline
Les athlètes qui réussissent sont généralement dévoués à leurs objectifs et se fixent des buts spécifiques qu’ils poursuivent intensément. La passion et la motivation intrinsèque sont des moteurs de réussite formidables.
Charles Fortier affirme qu’il est un passionné. « Cela dit, ma mère dirait que je suis entêté ; ma fille un papa aimant, mais exigeant; mes employés, que ma discipline et mes aspirations vont bien au-delà de mes paroles; et mon meilleur ami, que je suis orgueilleux… et que je déteste perdre ! »
« Comme joueur de basketball, j’étais obsédé par les détails, je cherchais constamment à corriger mes faiblesses et j’étais toujours le dernier à quitter le gymnase. Je n’avais ni les qualités athlétiques ni un talent naturel, mais j’ai toujours adopté de bonnes habitudes de travail et fait preuve d’une discipline irréprochable. Encore aujourd’hui, je ne fais rien à moitié. »
Les grands leaders cultivent généralement une attitude d’amélioration constante. Ils reconnaissent ce qu’ils contrôlent et ne contrôlent pas et se concentrent sur l’amélioration, le renforcement et le dépassement de leurs accomplissements passés.
« Je crois sincèrement que la clé du succès réside dans la constance. Sydney Crosby est un des meilleurs hockeyeurs au monde car il est bon à tous les matchs. Cette constance est le résultat de sa passion, de sa détermination et de sa discipline. »
Pour Phillip Gauthier, il n’y a toutefois pas de succès sans plaisir. La clé réside dans la passion et dans le plaisir de jouer ou de travailler.
Pour Charles Fortier, la réussite est une question de persévérance : « J’ai toujours été engagé à atteindre mes objectifs, peu importe les circonstances; je n’aime pas les excuses. J’essaie d’enseigner à ma fille que c’est son attitude qui va forger ses aptitudes… et déterminer son altitude. » En d’autres mots, l’entrainement bat le talent… quand le talent ne s’entraîne pas !
Leadership
La réussite des athlètes en milieu professionnel n’est pas le fruit du hasard. Plusieurs sont des leaders naturels, ont un esprit vif et un désir intrinsèque d’être le meilleur. « Ce sont des qualités qui étaient fortement encouragées dans la pratique du football et qui s’avèrent aujourd’hui inestimables dans le monde des affaires. » — Phillip Gauthier.
« Dans un contexte collectif, être le meilleur ne permet pas nécessairement de gagner. Il faut savoir s’entourer d’individus avec d’autres talents, prêts à sacrifier le succès individuel pour celui de l’équipe. » – Charles Fortier |
Sur le plan sportif, une équipe est une micro-société, avec ses codes de fonctionnement et ses valeurs. Les meilleurs leaders sont capables de faire confiance à leurs équipes. Plutôt que de tout prendre en charge, ils leur donnent les moyens d’agir.
« La connaissance n’est pas équivalente à la compétence. J’ai côtoyé des entraineurs qui avaient des connaissances profondes du football, mais qui n’étaient pas du tout rassembleurs. » — Phillip Gauthier
Dans la gestion de son entreprise, Phillip Gauthier utilise souvent des analogies sportives lorsque vient le temps de mettre en place des équipes performantes. « Lorsque je crée une équipe, je peux facilement expliquer les relations entre les différents rôles et comment chacun d’eux est essentiel à l’atteinte de l’objectif commun. »
« Personnellement, je suis très centré sur l’aspect humain, déclare Charles Fortier. Malgré ma spécialisation en finances, je ne considère pas que je travaille en services financiers mais plutôt avec des individus. Je suis très attaché au travail collectif et à la réussite commune de l’organisation. »
De la même façon, les meilleurs athlètes sont ceux qui sont capables de prendre des décisions rapides en observant et en traitant rapidement l’information qui se présente devant eux. Dans le cas des sports collectifs, cet apprentissage est d’autant plus complexe puisqu’il ne repose pas uniquement sur des habiletés techniques, mais aussi sur la capacité à prendre des décisions justes dans des situations dynamiques, c’est-à-dire incertaines, évolutives, et sous pression.
« Dans un contexte professionnel, un demi défensif dispose en moyenne de 1,6 secondes pour lire la formation et le déploiement de l’offensive et prendre position pour couvrir la passe ou réagir autrement, sans hésiter. » — Phillip Gauthier. Toute personne occupant une position de leadership ressent également la pression de prendre des décisions à la dernière seconde et, dans ces conditions, les erreurs sont inévitables. Les leaders ne s’attendent cependant pas à ce que leurs subornés ne commettent jamais d’erreurs, mais s’assurent plutôt qu’ils apprennent de celles-ci; favorisant ainsi la croissance à long terme.
Résilience
Apprendre à gérer l’échec et à revenir se battre est une compétence clé dans le monde professionnel et particulièrement comme entrepreneur. La résilience est la capacité à se relever lorsque tout s’effondre.
« En rétrospective, je m’aperçois que j’ai autant appris des défaites que des victoires; finalement, il s’agit de reconnaître les moments plus difficiles comme un retour d’information et faire mieux que le jour précédent. Dans un contexte professionnel, ce retour d’information est incroyablement précieux pour la gestion de mon entreprise. » — Phillip Gauthier
La capacité à rebondir plus vite, plus intelligemment et mieux est souvent ce qui distingue les grands leaders des autres. « Dans une certaine mesure, le football m’a aidé à faire face aux défis et à les surmonter pour arriver au niveau suivant » — Phillip Gauthier. « Il faut accepter l’échec pour trouver le succès. Il y a quelque chose de puissant à observer les individus qui continuent d’avancer malgré les obstacles que la vie leur oppose. » — Charles Fortier
Selon Charles Fortier, chaque individu a le choix de gérer l’obstacle comme un barrage ou comme un tremplin. Autrement dit, l’adversité joue un rôle vital dans la croissance. Le fait d’être confronté à des défis fait ressortir l’esprit de compétition, ce qui , en bout de ligne, engendre souvent de meilleures performances.
Réussite
Les entrepreneurs et les dirigeants sont confrontés à des défis de taille lorsqu’ils lancent et font croître leur entreprise. Tous n’accèdent pas aux sommets de la réussite.
Pour y parvenir, ceux qui ont pratiqué un sport de haut niveau utilisent les compétences qu’ils ont développées en tant qu’athlètes: confiance, détermination, passion, discipline, leadership et résilience. Dans le sport, ils ont appris à surmonter la douleur, la déception et à être plus déterminés que leurs concurrents. Ils ont aussi appris à vaincre l’échec pour atteindre l’objectif ultime. Ils ont développé l’esprit d’équipe et savent s’entourer des individus ayant le talent, l’expérience et la vision nécessaire pour contribuer au succès collectif. Face à un échec, ils continuent. Ils ont appris à motiver les autres à dépasser leurs propres limites.
Les entrepreneurs et les dirigeants, comme les athlètes, atteignent leurs grands objectifs un mouvement à la fois.
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